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Biographie ou Histoire
Le texte suivant a été élaboré à partir des ouvrages de Vaësen et de Godart, cités en bibliographie, et avec l'aide de Benoît Saint-Cast, doctorant (université de Lyon).
Le Tribunal de la Conservation des privilèges royaux des foires de Lyon est créé par Louis XI en 1463, par les mêmes lettres patentes qui créent quatre foires annuelles à Lyon. Il s'agit de régler les conflits qui peuvent naître entre les marchands. Or le droit coutumier lyonnais ne peut s'appliquer à des marchands qui ne sont ni lyonnais, ni français. Les foires de Lyon sont en effet fréquentées par beaucoup de marchands étrangers, venant des Pays-Bas, d'Allemagne, de Suisse, d'Italie et d'Espagne. Intimement liée à l'histoire de la ville de Lyon, grande place de commerce française jusqu'à la Révolution, l'histoire de cette juridiction est faite d'un accroissement progressif de ses compétences (qui en fait le principal tribunal de commerce du royaume) et de conflits institutionnels, le contrôle de la Conservation étant, en simplifiant, un véritable enjeu entre les pouvoirs royaux et municipaux.
En 1463, le « conservateur et gardien des foires » est le bailli de Mâcon, sénéchal de Lyon, ou son lieutenant, et est compétent pour les litiges entre marchands ou entre officiers royaux et marchands. Mais de suite, les prérogatives des échevins qui entendent contrôler le commerce de leur ville entrent en concurrence avec le sénéchal. Des querelles de compétence éclatent et, par un édit du 29 avril 1464, le roi place, avant l'intervention judiciaire du conservateur, une conciliation et un arbitrage dirigés par un agent du consulat (qui nomme aussi les courtiers). Ce conciliateur, appelé « prudhomme », est assisté de deux marchands arbitres si besoin. Le conservateur n'intervient qu'en cas d'échec de cette conciliation. Mais de fait il s'avère que souvent le conservateur juge seul.
Le consulat change alors de méthode. Il crée des liens étroits avec le conservateur, invité à devenir échevin. Claude Thomassin, premier conservateur en titre, est aussi conseiller, capitaine de la ville, et député par elle à plusieurs reprises pour négocier avec le roi. À sa mort, la charge passe à son fils qui est docteur ès lois. Il est lui aussi nommé conseiller de la ville et plusieurs fois choisi comme député par le consulat.
Le 31 octobre 1560, à l'occasion des états généraux, les habitants de Lyon demandent que les marchands fréquentant les foires soient obligés, pour vider leurs différends, « de convenir de trois marchands [...] au dire desquels ils seront tenus ester sans autre forme ni teneur de procès ». Leur justification : la complexification de la procédure par le juge conservateur, souvent juriste de formation, et par les gens de robe longue qui peuplent le tribunal. L'argument mis en avant est celui d'une justice qui serait ainsi plus efficace, rapide et sans procédure lourde afin de ne pas déranger le cours des affaires. Henri III, désireux de se concilier la ville de Lyon, non négligeable dans le contexte des guerres de Religion, décide, par un édit de mai 1583, que les conseillers et échevins, accompagnés de quelques notables et marchands, peuvent nommer deux marchands d'entre eux pour être les assesseurs du juge conservateur. Mais le juge fait opposition à l'édit qui n'entre donc pas en vigueur.
La même proposition est faite aux états généraux de 1614, toujours sans succès. Une nouvelle approche est alors choisie. À l'occasion d'une assemblée de notables marchands convoquée par le consulat le 22 octobre 1615, l'idée est émise de racheter l'office au conservateur et à ses héritiers, cette assemblée intervenant peu après le décès du juge conservateur Jacques de Bais. Cette assemblée regroupait des consuls, notables, ex-consuls, marchands français et étrangers (allemands et italiens). Dans le même temps, dans la première moitié du XVIIe siècle, le consulat se pose plusieurs fois comme le défenseur des compétences et privilèges du juge conservateur face aux prétentions d'autres juridictions. En 1649, le consulat fait publier un recueil des privilèges des foires, qui se présente aussi comme une défense et une illustration des compétences du tribunal en s'appuyant sur les actes royaux et la jurisprudence du conseil du roi et des parlements.
Finalement, en 1653, le consulat achète le greffe, la charge du conservateur, celle de son lieutenant et des deux avocats du roi. Une fois les offices rachetés, un petit comité composé du prévôt des marchands, Me Guignard, des échevins et de leur puissant protecteur à la cour, l'archevêque de Lyon Camille de Neuville, ainsi que du maréchal de Villeroi, se réunit pour demander l'aval du roi sur ce passage de fait de la Conservation (juridiction royale) sous contrôle municipal. Les arguments présentés jouent surtout sur la comparaison avec d'autres villes et notamment Paris, où le prévôt des marchands et les échevins ont un droit de juridiction contentieuse sur presque tout le cours de la Seine. L'édit de mai 1655 ratifie alors la réunion de la Conservation au consulat.
1/ Composition et fonctionnement après la réunion au consulat
La Conservation est alors composée d'onze membres : le prévôt des marchands, quatre échevins, six juges ex-consuls, bourgeois ou marchands : trois pour le côté de Fourvière et trois pour celui de Saint-Nizier, soit les deux rives de la Saône. Deux de ces juges sont nommés par le roi. Comme les membres ne sont pas forcément gradués en droit, le présidial est chargé de fournir un homme du métier de judicature. En 1666, pour mettre fin à une querelle entre le présidial et la Conservation, des lettres patentes viennent rappeler la prééminence du prévôt des marchands même s'il n'est pas gradué et qu'il laisse donc de fait la présidence à un autre. Deux avocats du roi et un greffier complètent le dispositif, tous choisis par le consulat. Les épices, salaires, vacations et émoluments sont interdits afin de remplir l'objectif annoncé d'une justice peu coûteuse. Les droits du greffier sont eux aussi strictement limités à 2 sols 6 deniers par rôle par l'édit de 1655. Mais le maintien par le roi du substitut du procureur général, des procureurs et des huissiers empêche de sortir d'une procédure longue, lourde et coûteuse. De plus, ces derniers sont tous issus du présidial, ce que le consulat doit accepter, d'autant que le procureur du roi à la Conservation a refusé de vendre sa charge (qui n'est rachetée qu'en 1669).
Les compétences étendues du tribunal, qui l'amenait à juger des affaires complexes (en matière criminelle, de droit privée, de saisie, etc.), imposait la présence de gradués au sein de la juridiction. Si aucun des membres du consulat n'était gradué, celui-ci devait nommer parmi les officiers du présidial un vice-gérant pour juger les affaires qui nécessitaient la présence d'un gradué. Sur les onze membres, ils doivent être au minimum cinq quand ils jugent en matière civile et sept en criminelle.
Les audiences se tiennent deux à trois fois par semaine à l'hôtel de ville, dans une salle dédiée que le consulat a largement rénovée pour montrer sa puissance et manifester son union avec la Conservation : l'élément le plus connu est le tableau peint au plafond par Thomas Blanchet, La justice poursuivant les vices.
À Pâques et à Noël, des audiences pour les prisonniers ont lieu dans une salle des prisons : il est alors procédé à des remises en liberté pour ceux qui ne sont pas écroués pour des crimes ou civilement pour des sommes inférieures à 500 livres.
2/ Compétences et souveraineté de la Conservation
Il est tout d'abord à noter que ces compétences ont, tout au long de l'époque moderne, donné lieu à des conflits juridictionnels avec notamment la sénéchaussée et le siège présidial de Lyon. Les procès pour raison de commerce étant très nombreux à Lyon, cette compétence judiciaire représentait une manne financière et manifestait un pouvoir non négligeable pour celui qui la détenait. Ces conflits se maintiennent après l'union de la Conservation au consulat en 1655.
Les compétences et la procédure du tribunal sont réglées peu après la réunion au consulat. En 1657 est publié un « Stile » de la Conservation. Issu d'une vaste entreprise de collecte d'informations, ce texte de 169 articles est à la fois un ensemble de règles pour les juges et une instruction pour leur donner une idée élevée de leur fonction. Il est suivi en 1686 d'un autre texte qui sert de règlement intérieur de la Conservation.
a) Compétences civiles et criminelles. Au début, le tribunal ne peut se tenir que pendant les foires. Il est, tout au long de son existence, responsable de la police pendant et dans les foires : le bon déroulement de celles-ci est sous sa responsabilité. Un texte de François Ier le rappelle en février 1536. Mais les foires sont reliées les unes aux autres par les périodes de paiement (et donc de litiges). Les commerçants souhaitent donc que le tribunal puisse être permanent afin de juger les conflits naissant des retards et absences de paiement comme des fraudes. Ils finissent par obtenir ce qu'ils veulent. Dans un édit de mai 1594, il n'est plus question des foires. L'existence du tribunal se dissocie alors de celles-ci et il devient alors compétent pour tous « faits de sociétés, changes, voitures, négoces et marchandises et de tout ce qui en dépend ». Son jugement est souverain sur ces matières. En outre, dans des lettre patentes du 2 décembre 1602, après une longue énumération des causes pour lesquelles la juridiction est compétente, le texte précise clairement que ces causes peuvent avoir eu lieu « tant en foire que hors foire ». La Conservation devient alors un véritable tribunal de commerce pour toute personne qui pratique le négoce à Lyon.
Ses pouvoirs sont plus étendus encore contre les banqueroutiers (édits de juin 1510 et du 10 octobre 1536) : ces derniers ne peuvent pas jouir de la franchise de l'Église et peuvent être contraints par emprisonnement, saisie des biens meubles et immeubles, voire peines corporelle, carcan et pilori pour les banqueroutes frauduleuses ou cachées. L'emprisonnement n'épargne pas les femmes, mariées ou veuves. Seuls les ecclésiastiques en sont exemptés. Ces compétences du tribunal s'expliquent par le contexte d'une lutte forte contre les banqueroutes frauduleuses qui nuisent profondément au commerce.
La compétence sur les faillites est d'ailleurs l'objet des plus fortes contestations entre le présidial et la Conservation. Dans les années 1660, celui-ci appose des scellés dans une faillite alors qu'il n'en a pas le droit. Un conflit éclate et l'archevêque fait alors signer un compromis par les deux parties le 6 mars 1667, homologué par le Conseil d'État le 21 mai 1667. En 1668 la querelle, augmentée d'autres conflits, doit à nouveau être tranchée, en faveur de la Conservation, par le Conseil d'État.
En 1497, le conservateur reçoit de la ville une avance de 10 livres pour poursuivre et aller chercher dans les prisons de Valence un homme qui, aux dernières foires, a tué un marchand et emporté ses chevaux et marchandises. Cet exemple rappelle que le Conservateur détient dès le début un pouvoir en matière criminelle, dont il fait usage surtout quand il y a entrave à l'exécution de ses propres jugements ou en cas de fraude dans les faillites. D'ailleurs la situation de la place financière lyonnaise permet à la Conservation de bénéficier d'exemptions. Par exemple, en 1702 un arrêt du parlement de Paris limite les contraintes par corps, ce qui normalement s'appliquerait à Lyon. Mais face aux résistances locales, un arrêt du parlement de Paris en 1710 maintient la Conservation dans son droit et un édit en 1714 précise que l'exception n'est pas géographique mais touche les jugements de la Conservation. En 1717, le chancelier d'Aguessau autorise cette dérogation à la règle générale sur les contraintes par corps par l'argument suivant : « la faveur du commerce à Lyon est si grande qu'elle peut autoriser des maximes qui ne sont pas reçues ailleurs et que l'intérêt bien entendu des négociants devait y faire recevoir. Aussi vous pourrez continuer de suivre l'usage des contraintes par corps, même contre les septuagénaires, pour faits de commerce ».
b) Souveraineté. Le Conservateur juge en dernier ressort jusque 500 livres. Au-dessus, un appel au parlement de Paris est possible, mais cet appel est non suspensif. Ses décisions s'exécutent par provision contre caution. La vraie particularité de la Conservation est qu'elle est compétente pour tous ceux qui pratiquent le négoce à Lyon, qu'ils soient du royaume ou étrangers. Ses décisions s'imposent partout, ce qui ne manque pas de créer des litiges avec les autres juridictions du royaume. La Conservation a régulièrement obtenu gain de cause. Par exemple en 1580 auprès du parlement de Bordeaux ou en 1584 auprès du parlement de Paris contre le lieutenant général du bailliage de Troyes.
Très important, l'édit de juillet 1669 fait de la Conservation un véritable « parlement commercial » (Vaësen). Il supprime le procureur du roi, remplacé en 1676 par le procureur général de la ville. Plusieurs parlements sont réticents à donner autant de pouvoir au consulat à travers la Conservation. L'enregistrement de l'édit par le Parlement de Paris est fait dans un lit de justice en août 1669. L'édit n'est finalement enregistré par tous les parlements qu'en 1674, hormis le parlement de Grenoble qui refuse d'enregistrer l'édit jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. En 1737, la parlement de Grenoble va même jusqu'à emprisonner un officier de la Conservation chargé d'exécuter une mission. Entre temps, en 1672, le roi a créé dans son Conseil une commission spéciale pour juger les litiges entre la Conservation et les parlements.
La Conservation est responsable de la police du commerce à Lyon, qu'elle entend donc réguler aux côtés de la Grande Fabrique. En 1608, elle publie un règlement au sujet des faillites et banqueroutes. En 1648, un autre sur la qualité des matières employées dans la fabrique des tissus d'or, d'argent et de soie (afin d'éviter les fraudes). En 1667, c'est un règlement de la place des changes de la ville de Lyon.
3/ La procédure
Dans le cas des faillites, la procédure pouvait intégrer une saisie des papiers des marchands. Ce n'était pas systématique. Ces papiers bénéficient alors d'une protection pour garantir le secret des affaires. Toute saisie et expertise des livres de compte doit obtenir l'aval du procureur du roi qui détermine si c'est justifié. Les saisies de papiers d'affaires sont donc plutôt exceptionnelles et temporaires, le temps du règlement de la faillite. On s'appuie sur les déclarations des marchands qui livrent un bilan, et leurs livres de compte ne sont pas forcément expertisés et consultés : ils sont saisis, paraphés et bâtonnés puis mis sous bonne garde pour éviter les fraudes. Les expertises et interrogatoires n'interviennent qu'en soupçon de fraude, après demande au procureur du roi. Dans la majorité des faillites, on se fie au bilan du débiteur et aux déclarations des créanciers. L'apposition des scellés sert à protéger les biens du faillis et éviter toute distraction de marchandises, des livres de compte, etc. On dresse l'inventaire des biens pour pouvoir estimer l'actif du failli et ses capacités de remboursement. Les créanciers et le débiteur établissent un contrat d'accord qui porte souvent une remise d'une partie de la dette (moitié, deux tiers...) et son rééchelonnement. La vente judiciaire n'est pas toujours l'issue des faillites, car on perd beaucoup dans ces procédures.
Seuls les procureurs peuvent plaider pendant les séances. Les avocats ne le peuvent pas : sont seulement admis des mémoires écrits. Le règlement est très strict contre les procureurs : l'idée est d'aller droit au litige pour éviter les longueurs et chicanes de la justice ordinaire, le consulat étant soucieux de ne pas reproduire ce contre quoi il s'était plaint auparavant. Mais le résultat du maintien des procureurs est d'ôter à la Conservation l'avantage de la gratuité alors que c'était justement un argument du rattachement au corps consulaire. En 1697, le rapport de l'intendant Lambert d'Herbigny insiste sur le mal qu'ils font à cette justice. Les avocats sont aussi tenus à l'écart de la Conservation même s'ils ont obtenu le 23 avril 1689 un arrêt du parlement de Paris, confirmé en 1738, leur donnant, à l'exclusion de procureurs, le droit de plaider « dans les affaires de droit et autres matières importantes ».
4/ Fin du Tribunal de la Conservation
Le Tribunal de la Conservation est remplacé sous la Révolution par le tribunal de commerce (1790).
Histoire de la conservation
1/ Un fonds coupé en deux
Le fonds est divisé en deux : une partie est conservée aux Archives départementales, une autre aux Archives municipales de Lyon. René Lacour rapporte l'hypothèse, aujourd'hui abandonnée, que les archives ont été réparties chronologiquement : la partie antérieure à 1716 est considérée du ressort de la ville de Lyon tandis que la partie postérieure à 1716 relève davantage de la sénéchaussée de Lyon, la date de 1716 étant celle où la juridiction serait devenue souveraine. Cette répartition se serait faite en 1790.
Jeanne-Marie Dureau propose une explication plus vraisemblable1. Il semblerait qu'un déménagement des archives ait eu lieu en 1724. Le fonds de la Conservation se serait retrouvé scindé entre les documents restés à l'Hôtel de ville et ceux transportés au greffe, situé dans l'hôtel de Fléchères. Or, en 1808, comme l'hôtel est en passe d'être détruit, les documents du greffe sont transférés au palais de justice. Le procès-verbal d'examen des documents les présente en mauvais état et surtout souligne l'absence de documents antérieurs à 1724. Ce sont ces documents-là qui ont été ensuite versés, depuis le palais de justice, aux Archives départementales, les documents conservés à l'Hôtel de ville ayant été versés aux Archives municipales. Voir l'introduction de Jeanne-Marie Dureau précitée pour plus de détails.
Mais cette seconde hypothèse n'est pas complètement satisfaisante. Les deux fonds d'archives ne sont en effet pas aussi clairement distincts. Il semble qu'au gré des déménagements successifs tant à l'époque moderne que contemporaine, et de la succession de greffiers de la Conservation avant 1790, tant les papiers saisis de commerçants que les documents du tribunal lui-même aient été plusieurs fois mêlés et séparés. Les tableaux de répartition des fonds établis par Jeanne-Marie Dureau le laissent clairement entendre. Les Archives municipales conservent ainsi des archives du greffe de la Conservation jusqu'à la Révolution.
Si les deux fonds actuels comprennent des documents produits par le tribunal (registres d'audiences et de décisions, plumitifs, enregistrement d'actes de société, etc.), ils sont distincts sur deux points importants. Les archives relatives aux privilèges des foires de Lyon et aux pouvoirs, privilèges et compétences de la juridiction sont conservées aux Archives municipales. Les papiers de commerçants qui étaient saisis au moment des faillites et autres problèmes (successions par exemple) sont conservés aux Archives départementales.
2/ Le fonds des Archives départementales
Nous ne savons pas quand le fonds est entré aux Archives départementales. Il n'y a aucune mention d'archives de la Conservation dans l'inventaire de Gauthier en 1864, ni même dans le récolement de 18902. Mais tout porte à croire que les documents étaient tout de même déjà conservés aux Archives départementales, au sein de la série B qui était alors non classée. Sans que l'on trouve de trace de versement dans les rapports d'activité, nous savons en effet que George Guigue a abordé le classement du fonds à la fin du XIXe siècle. Des minutes de classement (1 p. manuscrite v. 1900) et un bref état sommaire pour le rapport d'activité de 1900, (1 p. manuscrite) témoignent de la présence d'un grand nombre de documents et d'un début de repérage3. Le fonds du Tribunal de la Conservation est clairement identifié dans le récolement de 1926 : y sont distingués, comme dans les repérages de George Guigue, les registres et les liasses4. Dans les années 1920 (entre 1922 et 1926 probablement), une dizaine de plumitifs (1790-1792) et une vingtaine de liasses sont versés par le greffe du tribunal civil de Lyon à l'occasion d'inspections dans les greffes de Lyon et Villefranche-sur-Saône. Il semblerait que ce soit le dernier versement.
Le fonds de la Conservation n'a pas fait l'objet d'un répertoire numérique avant 1976, si ce n'est des instruments de recherche partiels au regard de l'importance matérielle du fonds. Au cours des années 1940, un répertoire alphabétique incomplet des commerçants mis en faillite est établi par Marie Laumon, archiviste adjointe5. De plus, les archives de la maison Specht et Gonzenbach ont fait l'objet d'un inventaire analytique rédigé en allemand, par M. Schädler, chercheur suisse6. Au cours des années 1960, une équipe d'archivistes et d'historiens a repris le classement des papiers de commerçants. L'équipe, composée notamment de Mme Jeanne-Marie Dureau, devenue par la suite archiviste de la ville de Lyon, a produit :
A ce moment là, seuls les papiers appartenant à d'importants fonds de commerçants sont regroupés, décrits et classés. Il est possible que ce soit à ce moment que certains documents isolés trouvés dans ces gros ensembles en sont extraits. En 2018, plusieurs liasses ont en effet été retrouvées avec la mention "papiers ... : ne leur appartenant". Par exemple les papiers de Bancourt (8B4053), ont été extraits de ceux de Seilhade. Concernant ces extractions, voir aussi plus bas le mode de classement du fonds.
Un répertoire numérique provisoire de l'ensemble du fonds a été établi en 1999 par Michel Ollion, conservateur adjoint aux Archives du Rhône. À ce moment-là, seules quelques datations et identifications ponctuelles sont faites : il s'agit alors surtout de mettre à disposition des lecteurs un instrument de recherche. Ce répertoire est suivi d'un index des noms des personnes et des professions exercées ainsi que des noms de lieux et des rues à Lyon.
Le fonds a été reconditionné en 2006, en vue du déménagement des Archives. À cette occasion, de nouvelles unités sont décrites et certaines anciennes descriptions sont précisées. Un vrac de papiers de commerçants, d'un métrage d'une trentaine de mètres linéaires, a été provisoirement coté en sous-séries 45 DEM et 39 DEM.
En 2017-2018, une reprise de ce vrac a été entreprise par Romain Benoit, archiviste, et Pierre Fabry, stagiaire de l'École nationale des chartes, avec le concours de Sophie Malavieille, directrice adjointe des ADRML. Il s'avère alors que les deux sous-séries de DEM ne contiennent pas seulement des papiers de commerçants mais aussi des papiers de famille, plutôt destinés à la série E, et d'autres, liés à l'intendance, à l'Hôtel-Dieu et surtout à la sénéchaussée (les deux institutions étant liées). Ce vrac d'archives mêlées d'Ancien Régime s'explique par les nombreux déménagements du service depuis le XIXe siècle. Devant être inventorié très finement, il n'a pu être identifié que partiellement et donc seule une partie a intégré le fonds des papiers de commerçants à l'issue de cette opération.
1. Pierre Léon (dir.), Papiers d'industriels et de commerçants lyonnais. Lyon et le grand commerce au XVIIIe siècle, Université Lyon II, Centre d'histoire économique et sociale de la région lyonnaise, n° 6, 1976, 476 p. Voir en particulier, DUREAU (Marie-Jeanne), « Le fonds de la Conservation des privilèges royaux des foires de Lyon : historique, apport, description », p. 3-57. À noter : p. 33-35 : tableau du fonds aux Archives municipales de Lyon.
2. ADRML, 3 T 59.
3. ADRML, 3 T 85.
4. ADRML, 3 T 59.
5. Répertoire alphabétique des commerçants mis en faillite par le Tribunal de la Conservation des Privilèges de Lyon établi par Marie Laumon, 1949.
6. W. Schädler, Inventaire des archives Specht et Gonzenbach: lettres de Suisse et de Genève, 1710-1721 (cotes 8B1237/5 et 6), s.d. [ADRML, FM 2855].
7. LEON (Pierre dir.), op.cit.
8. Ibid., voir la liste des sociétés de marchands étudiées, p. 475-476.
9. Inventaire détaillé des actes de formation de société conservés sous les cotes 8B137-143 (1721-1791), s.d., manuscrit non folioté, 1 vol. À noter : chaque fiche précise la date de l'acte, celle du départ de la société, le nom des parties contractantes, le domicile, le but, la durée et la raison sociale de la société, la durée du négoce et le capital apporté.
10. Inventaire détaillé des actes de dissolution de société conservés sous les cotes 8B137-143 (1721-1791), s.d., manuscrit non folioté, 4 vol. À noter : chaque fiche précise la date de l'acte, le nom et le domicile des parties et des informations sur la constitution de la société.
Présentation du contenu
L'intérêt du fonds du Tribunal de la Conservation des privilèges des foires de Lyon est considérable puisqu'il s'agit du premier tribunal de commerce établi en France. Ce fonds offre de nombreuses possibilités aux chercheurs en histoire économique ou institutionnelle, comme en témoignent les travaux de J. Vaësen et de Justin Godard, historiens locaux.
La partie institutionnelle renferme, pour un large XVIIIe siècle, un grand nombre de sentences et de pièces de procédures, de faillite notamment mais pas seulement, et d'actes d'enregistrement de l'activité commerciale, par exemple les constitutions et dissolution de sociétés.
Mais la partie la plus riche du fonds est l'inestimable collection de papiers de commerçants lyonnais, français et étrangers installés à Lyon. Même si la majorité des documents est du XVIIIe siècle, un nombre non négligeable date des XVIe et XVIIe siècles. C'est une source inépuisable pour l'histoire du commerce à Lyon, économique comme sociale, puisque sont mêlés papiers de familles et papiers d'affaires. Les papiers de famille sont extrêmement variés, allant des plus hautes familles de la noblesse aux plus humbles ouvriers en passant par les greffiers, commerçants, artisans, procureurs et autres lyonnais et rhodaniens. Signalons aussi plusieurs ensembles de papiers de notaires, à la fois personnels (familiaux) et professionnels (minutes notariales). Ces minutes complètent celles de la série 3E.
On trouve dans ce fonds les livres de comptes, les pièces comptables et la correspondance commerciale de nombreux commerçants, artisans et ouvriers, mis en faillite ou non. On peut y découvrir également les dessins et les modèles de dessinateurs en soierie, tout comme des échantillons de tissus. Mais le chercheur y trouvera aussi des testaments, contrats de mariage, règlements de succession, papiers relatifs aux impôts, etc., de femmes comme d'hommes. Le fonds de papiers privés est en effet une source importante pour l'histoire des femmes dans Lyon et sa région, puisque un grand nombre de papiers de femmes, épouses ou veuves ont été conservés.
Très riches, les correspondances, privées comme commerciales, sont nombreuses et ne se restreignent pas à la France : plusieurs sont internationales et témoignent des réseaux et des circulations qui existaient autour de la place de commerce lyonnaise. Indiquons par exemple la présence d'une lettre de Jean-Jacques Rousseau adressée à M. de Gauffecourt pour une correspondance privée, et les maisons Carret et Cie ou Specht et Gonzenbach pour une correspondance commerciale internationale. Enfin, un nombre conséquent de livres de raison, attribués ou non, côtoient des petits objets de l'époque (portefeuilles par exemple), mais aussi : des recettes ; des manuels et traités pour des remèdes, la géométrie, l'astronomie, l'équitation ou le change des monnaies (notamment les cotes 8B2018-2026) ; des considérations personnelles ; des calendriers ; une partition de musique ; des chansons ; des documents liés à différents cultes, etc. Le lecteur trouvera ainsi des papiers de familles de confession juive comportant des documents en écriture hébraïque (diplômes de sacrificateurs ou rouleau de parchemin présentant un extrait du livre d'Esther, entre autres) : les juifs étaient en effet présents à Lyon et actifs dans ces milieux du commerce.
Mode de classement
Le fonds de la Conservation des privilèges des foires de Lyon conservé aux Archives départementales se divise en deux parties bien distinctes :
Il est à noter que cette seconde partie est une collection reconstituée en plusieurs étapes. Comme indiqué dans l'historique de la conservation, mis à part pour les fonds les plus importants, il n'y a pas de certitude que les papiers aient été tous saisis par le tribunal. Plusieurs parcours ont pu amener des documents à être classés dans ce fonds. Tout d'abord, les papiers saisis par le tribunal étaient assez larges. On y trouve des papiers d'affaires mais aussi de famille. En plus de ceux de la famille du commerçant lui-même, ce dernier pouvait conserver d'autres papiers familiaux chez lui : ceux d'un proche, d'un parent, d'un ami, etc. Tous ces papiers se sont ainsi retrouvés mélangés puis, la plupart du temps, dispersés au moment du classement puisque les noms étaient différents (voir ci-dessus l'exemple de Bancourt développé dans l'historique de la conservation).
Il ne faut donc pas considérer que les ensembles identifiés ont été trouvés tels quels : sauf pour les fonds de commerçants les plus importants, rien n'indique qu'ils aient été saisis ainsi par les greffiers du tribunal. C'est pourquoi cette partie est une collection, c'est-à-dire un ensemble de documents regroupés à différentes occasions. En outre, les ensembles de documents ont été regroupés, par les archivistes, en plusieurs fois et par nom de famille de la personne concernée (ou de l'une de ces personnes). Ainsi, un fonds qui aurait été saisi par le tribunal mais qui concernerait plusieurs personnes ou familles, peut se retrouver dispersé en plusieurs ensembles. Par exemple les marchands juifs Aimedieu Urbino et Del Vecchio (Devieux) sont parents : les fonds des deux ont probablement été saisis en même temps1. En outre, le choix du nom qui sert d'entrée n'est pas anodin. Lorsqu'il y avait plusieurs noms, nous avons dû en sélectionner un. Parfois, l'attribution reste problématique. Ainsi, le "livre d'ourdissage de Mlle Rivoire" (8B5070) peut à la fois indiquer qu'il s'agit de celui de Mlle Rivoire, mais aussi que c'est le livre des tâches qu'un commerçant (resté inidentifié) a confié à Mlle Rivoire. Le lecteur doit donc aborder avec prudence les attributions faites, notamment pour les pièces isolées et les petits ensembles.
Avec les collections regroupées en sous-série 3B et en série E, on peut considérer que cet ensemble est la troisième grosse collection de papiers de particuliers d'Ancien Régime conservés aux Archives du Rhône. Ils ont été cotés en 8B car une grande partie d'entre eux concernent des commerçants et parce que des ensembles déjà cotés en 8B sont dans la même situation ? Le fonds mêle donc des papiers du tribunal lui-même, des papiers saisis par ce tribunal et une collection de papiers privés (d'affaires comme de familles) dont la provenance n'est pas connue. Il n'est pas possible en effet de savoir si les documents identifiés appartenaient à un ensemble plus important qui aurait été saisi par le tribunal les papiers de famille ayant été dispersés et indexés à plusieurs noms ou s'ils n'ont en réalité pas été saisis par le tribunal. Les chercheurs pourront le vérifier dans les registres de la juridiction et les procédures.
1. Nous remercions Jacques Gerstenkorn, professeur des universités, pour cette indication et les différents éléments qu'il nous a fourni sur les fonds des marchands juifs de Lyon.
Conditions d'accès
Mis à part les documents particulièrement précieux et fragiles comme certains modèles de dessins et échantillons de tissus, conservés à la réserve et disponibles sous forme de reproduction, et les documents comprenant des échantillons épars, communicables sur autorisation, les archives de la sous-série 8B sont librement communicables.
Autre instrument de recherche
Documents en relation
1/ Sources complémentaires manuscrites
a) Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon :
b) Archives nationales :
G1 83/8 : Ferme générale, traites : instruction aux commis des fermes sur l'exécution des privilèges des foires de Lyon [XVIIIe s.].
c) Bibliothèque municipale de Lyon :
2/ Sources complémentaires imprimées
Documents séparés
Archives municipales de Lyon :
Voir, pour les analyses d'un certain nombre de cotes et d'éléments, l'inventaire Chappe (XVIIIe s.), consultable en salle de lecture des Archives municipales de Lyon.
Bibliographie
Les ouvrages ou articles précédés d'un astérisque (*) sont consultables sur place car conservés dans la bibliothèque des Archives départementales et métropolitaines.
FAYARD (E.), Études sur les anciennes juridictions lyonnaises, Lyon 1863.
* VAESEN (J.), La juridiction consulaire à Lyon sous l'Ancien Régime : étude historique sur la Conservation des privilèges royaux des foires (1463-1795), Lyon, éd. Mougin-Rusans, 1879.
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Au centre du décor, une grue à tête de dragon. Mention manuscrite "plat de porcelaine".
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Ancienne cote BP4041.
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