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Origine
Biographie ou Histoire
Les archives Prénat déposées aux Archives du Rhône ont été immédiatement mises en valeur par le mémoire de D.E.S. de Daniel Rivet, élève de Pierre Léon qui œuvrait à la mise sur pied d'un Centre lyonnais d'histoire économique et sociale. Dans ce travail, Daniel Rivet a commencé à retracer l'histoire de l'entreprise givordine, des débuts de la Troisième République à la Première Guerre mondiale.
L'activité de Givors, petite ville située à une vingtaine de kilomètres de Lyon, était jusqu'au début du XIXe siècle restée fondée sur la navigation rhodanienne et le roulage au débouché de la vallée du Gier. L'arrivée du charbon stéphanois et la rapide expansion de la sidérurgie et de la verrerie bouleversent la vie de la petite cité dont la population, de 3 000 habitants à la fin de l'Ancien Régime, triple vers 1850 et atteint 13 000 habitants à la veille de la Première Guerre mondiale.
En 1839, au tout début de la poussée de la sidérurgie en région lyonnaise, Eustache Prénat, de Saint-Chamond, ancien élève de l'École des mineurs de Saint-Étienne, fait l'acquisition des terrains des Vorgines, au nord du bassin de Givors, et s'associe le 1er juillet 1841 au riche maître de forges lyonnais Victorin Génissieu pour y implanter un haut-fourneau, idéalement situé entre le chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon, le canal de Rive-de Gier et le cours du Rhône. Génissieu, deuxième électeur lyonnais par la fortune en 1847 derrière le manufacturier Victor Frèrejean, est le frère de François Génissieu, administrateur de la société sidérurgique « Loire et Isère » puis « Loire et Ardèche », à laquelle Victorin Génissieu a racheté le haut-fourneau de Vienne en 1831. La société Vin Génissieu, Prénat et compagnie, qui s'intitule jusqu'en 1845 « Haut-fourneau et fonderies de Givors et Vienne. Tours et alésoirs de toutes dimensions », est aussi actionnaire de la Compagnie des transports de la Saône et du Rhône et liée à la société Montgolfier. Elle construit le premier haut-fourneau à Givors entre 1840 et 1845 avec deux fours à réverbère et cinq cubilots ; un deuxième haut-fourneau à coke est autorisé à Givors en 1850 tandis que le haut-fourneau de Vienne est revendu à « Loire et Ardèche »[1]. Une machine à vapeur permet de lancer les deux fourneaux. Une autre machine, alimentée par deux chaudières cylindriques, met en mouvement les tours alésoirs, machines à raboter, le « meuleton pour la trituration des fables, briques ou charbons », deux tours et une scie circulaire pour le bois[2].
Le premier haut-fourneau est alimenté en minerai de Haute-Saône, Isère et Ain, se heurtant ainsi, sur le marché de l'approvisionnement, aux sidérurgistes de la Loire et de Vienne. Après le déplacement de leurs activités de Vienne vers Givors, Génissieu et Prénat se tournent en 1845-1846 vers le marché ardéchois dans cette course au fer, et en 1847, au terme d'une longue procédure, la compagnie concessionnaire des mines de Veyras et Privas, Nant et Cie, propriétaire des hauts-fourneaux concurrents de l'Horme dans la Loire, est astreinte à livrer du minerai à l'usine de Givors[3].
Le 21 mars 1853, la société E. Prénat et compagnie, Compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors, est constituée sous forme de commandite par actions au capital de 1 800 000 francs. Eustache Prénat (50 % des parts) en est le gérant responsable avec comme associés Victorin Génissieu (23 % des parts), Jacques Prénat (17 % des parts) et Ferdinand Rimoz de la Rochette (10 % des parts).
À côté des hauts-fourneaux de première fusion qui produisent des fontes d'affinage vendues à divers établissements métallurgiques pour devenir fer ou acier, et des fontes de moulages destinées aux fonderies lyonnaises , la société E. Prénat et compagnie ouvre une fonderie de seconde fusion et des ateliers de construction. Les produits manufacturés qui en sortent sont des plus divers puisqu'ils vont des grosses pièces telles que jambages de pilons, colonnes, volants, etc., jusqu'aux menues fournitures pour le bâtiment et la poëlerie, en passant par le matériel de chemin de fer, plaques tournantes pour le P.L.M., sémaphores, etc. et toute la gamme des équipements pour les usines à gaz, en particulier aux canons pris à Sébastopol. L'ossature des halles des Cordeliers à Lyon est aussi fournie par la Compagnie.
La compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors bénéficie d'un traité pour l'extraction de la houille dans la mine des Granges, concession de Rochetaillée dans le bassin de la Loire, et d'une participation à la mine de fer de Serrières dans l'Ain. La mort du fondateur en janvier 1866 laisse l'ingénieur Ferdinand de la Rochette seul gérant même s'il doit s'associer le fils d'Eustache Prénat, Édouard, dès 1869, Un troisième haut-fourneau est mis à feu en 1872.
La nécessité de trouver de nouvelles sources d'approvisionnement en minerais riches constitue le frein essentiel à la croissance de la société givordine entre 1867 et 1873. L'importance de la concession de Serrières tend à décliner dans les années 1870 tandis que les nouveaux procédés de fabrication imposent de traiter les fontes pour aciers avec des minerais riches très peu phosphoreux. Aussi Ferdinand de la Rochette entreprend-il de traiter avec des fournisseurs de minerais corses, espagnols, italiens ou algériens avant d'entrer dans l'affaire de Rustrel, près d'Apt dans le Vaucluse, et dans celle de Rioupéroux, dont les gisements sont dispersés sur les communes d'Allemont et Vizille dans l'Isère, en 1872.
En 1884, les deux plus gros actionnaires de la société, après les Prénat, propriétaires de la moitié du capital et les La Rochette, sont E. Vautier, gros rentier lyonnais, et Serve, fournisseur de la compagnie. Le dernier des fondateurs, Ferdinand De la Rochette, meurt en 1893 ; son fils Pierre-Gilbert dit Fernand de la Rochette, lui aussi ingénieur des mines, est gérant de la société de 1886 à 1901 mais n'a qu'un rôle effacé face au puissant député Édouard Prénat, fondateur de la Compagnie lyonnaise de Madagascar en 1897, la Compagnie hydro-électrique d'Auvergne, administrateur de la Compagnie des Aciéries de la Marine et d'Homécourt et de la Compagnie Claudinon et Cie, commandeur de l'ordre de saint Grégoire le Grand et chevalier de la Légion d'honneur.
Les fluctuations de raison sociale illustrent bien les conflits d'influences entre les deux clans à la tête de l'entreprise : « E. Prénat et Cie » de 1853 à 1863, « F. de la Rochette et Cie » de 1863 à 1877, « De la Rochette, Prénat et Cie » de 1877 à 1893, « Prénat, de la Rochette et Cie » de 1893 à 1901 et enfin « Ed. Prénat et Cie » de 1901 à 1912 avant que le commandite ne se transforme en société anonyme, qui reste cependant administrée par des Prénat, jusqu'en 1962.
À la veille de la Première Guerre mondiale, Édouard Prénat modernise son entreprise et en fait une véritable usine de guerre, sui, à ce titre, durant le conflit, maintient avec l'État des liens privilégiés par le biais des commandes de « fabrications de guerre » aussi bien que par les multiples contrôles auxquels elle doit se soumettre. Comme le prouve l'inauguration de deux nouveaux hauts-fourneaux, « Joffre » puis « France », respectivement en 1918 et en 1922, les Établissements Prénat constituent un îlot de prospérité où le manque de main-d'œuvre a pu être surmontée par l'embauche de prisonniers de guerre et d'ouvriers portugais malgré une pénurie de matières premières qui reste quant à elle assez sévère.
La société opère d'ailleurs en 1921 une augmentation de capital et en 1936, une convention de titres. En 1922, la Société des Mines d'Aytua, dans les Pyrénées-Orientales, passe sous le contrôle de la Compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors.
Après la Deuxième Guerre mondiale, Prénat participe à la reconstruction de Givors, avec notamment en 1948-1949 la construction de la Cité ouvrière du Garon. Les années 1950 sont celles de la réorganisation de la sidérurgie française. Prénat fête son centenaire en 1949 mais n'échappe pas à la crise et la famille doit se résoudre à vendre l'entreprise en 1962. La disparition définitive des Hauts-fourneaux de Givors en 1966, entraînant la liquidation de six cents emplois, constitue sans doute le point culminant de l'effondrement des fondements industriels de la ville.
Histoire de la conservation
En mars 1962, l'industriel zurichois Jacques Diserens, devenu propriétaire de la majorité des actions de la société, prend la direction des établissements Prénat qui avaient fêté leur centenaire en 1949 (avec dix ans de retard en raison des événements de 1939) et sur les archives desquels un article de la Revue d'histoire de la sidérurgie avait attiré l'attention fin 1960. Pierre Léon, professeur d'histoire économique à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Lyon et auteur d'une thèse fondatrice sur la métallurgie dauphinoise, intervient alors auprès de René Lacour, directeur des Archives du Rhône, pour que la mémoire de cette entreprise familiale ne disparaisse pas. Et grâce à ses efforts appuyés par les directives de la Direction des Archives de France, récemment convertie à l'histoire économique par Bertrand Gille , une partie des archives de la Compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors est déposée aux Archives départementales en mars 1963.
Cependant l'entreprise souhaite conserver à l'usine les procès-verbaux des conseils de surveillance de 1841 à 1911, des conseils d'administration depuis 1912 et des assemblées générales depuis 1841, documents dont des microfilms, qui n'ont pu être retrouvés jusqu'à présent, auraient été réalisés. Les grands-livres de la Compagnie ont été eux aussi conservés à Givors, à l'exception de l'un d'entre eux, déclassé lors du dépôt du fonds aux Archives départementales et qui a ainsi échappé à la destruction (34 J 18) ; ces documents moins nobles mais souvent plus intéressants pour les historiens n'ont pas, semble-t-il, été concernés par l'opération de micro-filmage. Les archives restées au siège ont disparu lors de la liquidation des anciens établissements Prénat, en 1966, sauf quelques photographies anciennes rachetées par les Archives municipales de Givors.
Aux Archives du Rhône, les éliminations environ 1 m. lin. opérées lors du classement du fonds déposé en 1963 ont porté essentiellement sur des doubles. Ont aussi été éliminées les copies des feuilles mensuelles, celles-ci ayant été conservées, de préférence sous leur forme définitive de cahiers annuels.
Quelques dossiers, retrouvés postérieurement au classement effectué par Marion Duvigneau, ont été réintroduits dans les articles déjà classés lorsque cela était possible, ou placés à la fin, sous les cotes 260 à 271.
Modalités d'entrées
Dépôt, 1963
Présentation du contenu
Constitution et gestion de la société : statuts et capital, conseils et assemblées générales, correspondance des gérants et affaires diverses, comptabilité, ventes, personnel (1841-1962). Aspects techniques : approvisionnements, appareils à vapeur, matériel d'exploitation, fabrications, statistiques de production, études et brevet techniques, documentation (1849-1942). Relations avec le monde de la métallurgie : organisations professionnelles, société des Mines d'Aytua, autres sociétés (1840-1948). Mémoire de l'entreprise : photographies, histoire de l'établissement (1911-1949).
Conditions d'accès
Oui, sauf 34J258 sur autorisation du directeur.
Langue des unités documentaires
Autre instrument de recherche
Documents en relation
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DU RHONE - Sous-série 21 J : Pensera ; 73 J : Marc Bissuel ; sous-série 106 J : Ferdinand Frécon (dossiers bleus, familles non consulaires, vol. VIII et XIV, généalogies des familles Génissieu et Prénat) ; sous-série 3 M : élections législatives ; sous-série 5 M : hygiène et santé publique ; sous-série 10 M : travail et main d'oeuvre ; sous-série 6 U : tribunal de commerce de Lyon.
ARCHIVES MUNICIPALES DE GIVORS - Collection de documents figurés concernant les établissements Prénat (plans, photographies, cartes postales).
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA LOIRE - Sous-série 13 J : Chambre de Commerce de Saint-Etienne ; sous-série 73 J : Ferdinand et Fernand Rimoz de la Rochette (Compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors).
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DES PYRENEES-ORIENTALES - Sous-série 15 J : fonds des mines de fer du Centre-Midi.
ARCHIVES NATIONALES - F7 13 356-13 369 : usines de guerre ; F12 7 663-7 683 : services techniques, premières section : métaux, bois, combustibles ; F14 4 218-4 226 : autorisations de chaudières et machines à vapeur ; F14 4 468 ; usines métalliques, demandes en autorisation et en maintenue. Compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors ; F22 530-541 ; usines de guerre ; sous-série 94 AP : Papiers Albert Thomas, sous-secrétaire d'Etat à l'Artillerie et à l'équipement militaire puis ministère de l'Armement et des fabrications de guerre ; sous-série 65 AQ (K98) : documentation imprimée sur la Compagnie des hauts-fourneaux et fonderies de Givors ; sous-série 139 AQ : Cie des forges et acieries de la Marine et d'Homécourt ; sous-série 41 AS : Comité des forges de France.
Bibliographie
Etienne ABEILLE, Histoire de Givors, Lyon, 1912.
« Les archives de la Compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors », Revue d'histoire de la sidérurgie, t. I, 4e trimestre 1960, p. 69-71.
Jean-François BELHOSTE et Philippe PEYRE, Images du patrimoine. Fonte, fer, acier, Rhône-Alpes, Lyon, 1992.
Pierre CAYEZ, L'Industrialisation lyonnaise au XIXe siècle. Du grand commerce à la grande industrie, Lille, 1979, 3 vol ; éd. abrégée dans Métiers Jacquard et hauts-fourneaux, aux origines de l'industrie lyonnaise, Lyon, 1978 ; et Crise et croissance de l'industrie lyonnaise 1850-1900, Paris, 1980.
Un Centenaire. La compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors. Etablissements Prénat, Mulhouse, [1949].
Serge CHASSAGNE, « Une famille de maîtres de forges catholiques de la région lyonnaise : les Prénat (XIXe-XXe siècles) », dans Histoire des familles, de la démographie et des comportements : En hommage à Jean-Pierre Bardet, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 2007, p. 369 sq.
Jean-Michel DUHART, Petits papiers de Givors, Givors, 1983-1987, 3 albums.
E. FLACHAT, J. PETIET et A. BARRAULT, Traité pratique de la fabrication du fer et de la fonte envisagée sous les rapports chimique, mécanique et commercial, Paris, 1842.
Carmen GAN, Patrick MAURY, Christian VELUD, À la recherche d'une mémoire collective. Enquête sur les ouvriers retraités de la métallurgie à Givors. T.E.R. sous la dir. de Yves Lequin, Lyon II, 1977.
L.-J. GRAS, Histoire économique de la métallurgie de la Loire, Saint-Étienne, 1908.
C.-Adolphe GUILBAULT, Traité de comptabilité et d'administration industrielles, Paris, 2e éd. 1880, 2 vol.
Pierre LEON, « Un projet : l'étude quantitative de la croissance dans une région dominante de l'ensemble économique français : la région lyonnaise (1815-1967) », dans Bulletin du Centre d'histoire économique et sociale de la région lyonnaise, mai 1969, p. 21-39.
Yves LEQUIN et Jean METRAL, « Une mémoire collective. Les métallurgistes retraités de Givors », Annales ESC, 1980, pp. 149-166.
Daniel RIVET, Une affaire de famille. La compagnie des Hauts-fourneaux et fonderies de Givors [1870-1914], D.E.S. sous la dir. de Pierre Léon, Faculté des Lettres et Sciences humaines, Lyon, 1964.
Notes
Le répertoire numérique détaillé a été établi par Marion Duvigneau, conservateur-stagiaire, en 1992 avant de faire l'objet d'une rétroconversion électronique normalisée en 2010. Des plans isolés ont été extraits sans doute en attente de restauration : ils sont conservés en D4. La sous-série 72 J, qui correspondait au fonds des Ateliers de Givors de Fives-Cail Babcock (1857-v. 1938), était complémentaire : il a été transféré fin nov. 2005 au CAMT pour le regrouper avec les autres archives de Fives-Lille.
Mots clés matières
Mots clés personnes
Mots clés collectivités
Mots clés producteurs
Mots clés typologiques
Cote/Cotes extrêmes
Date
Présentation du contenu
Approvisionnements. Appareils à vapeur. Matériel d'exploitation. Fabrications. Statistiques de production. Documentation.
Cote/Cotes extrêmes
Date
Cote/Cotes extrêmes
Date
Présentation du contenu
Ministère des Travaux publics. Albums graphique de l’industrie minière et des appareils à vapeur pour la France et l’Algérie, Paris, 1895 ; départs de Marseille et Cette (1899) ; statistiques britanniques (1900) ; carte des voies de communication françaises ; les hauts-fourneaux français au 1er juillet 1912.
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